ARRET N° 223/QD/2019 du 11 Décembre 2019

21 novembre 2024

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REPUBLIQUE DU CAMEROUN

        Paix - Travail - Patrie

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COUR SUPREME DU CAMEROUN

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CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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SECTION DU CONTENTIEUX DE L’ANNULATION ET DES QUESTIONS DIVERSES

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DOSSIER  N°224/2012

Du 28 Mai 2017

Emprise et Voie de Fait Administrative                                                                               

AFFAIRE : DONGMO Pierre

                    C/

Etat du Cameroun (MINESUP)

    -----------------

ARRET N° 223/QD/2019

du 11 Décembre 2019

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COMPOSITION :

  1. Emmanuel SANDEU, Président de la Section……………………………………….Président

      Charles ONDOUA OBOUNOU. Conseiller à la Chambre ;

Louis Lambert BOLKO …….…Conseiller à la Chambre ;

…………….……………………………………….Membres ;

  1. Solomon MBAH NJIE, Avocat Général ;

     Me. NTSO Augustine Olive,       Greffier ;      

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RESULTAT :

   (Voir dispositif)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS

----L’an deux mille dix neuf ;

----Et le onze du mois de Décembre ;

----La Chambre Administrative de la Cour Suprême siégeant en Section du Contentieux de l’Annulation et des Questions Diverses au Palais de Justice à Yaoundé, dans la salle des audiences de ladite Cour, composée de :

M.M Emmanuel SANDEU, Président de la Section……………………………..…….…….Président ;

---- Charles ONDOUA OBOUNOU………………

…Conseiller à la Chambre Administrative ;

---- Louis Lambert BOLKO……..Conseiller à la Chambre Administrative……..Membres ;

----En présence de Monsieur Solomon MBAH NJEI, Avocat Général à la Cour Suprême, occupant le banc du Ministère Public ;

---- Avec l’assistance de Maître Augustine Olive NTSO, Greffier ;

----A rendu en audience publique ordinaire, conformément à la loi, l’arrêt  dont la teneur suit :

----ENTRE

----DONGMO Pierre, ayant pour Conseil Maître NJANPOU Joseph, Avocat BP : 638,  Ngaoundéré, demandeur ;

----D’UNE PART,

----ET

----Etat du Cameroun (MINESUP)

----D’AUTRE PART,

----LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

----Statuant sur l’exception préjudicielle soulevée en matière d’emprise et de voie de fait administrative, objet du jugement n°07 rendu le 09 Décembre 2014, par le Tribunal Administratif de Ngaoundéré ordonnant le transfert, du dossier de procédure de l’affaire opposant le sieur DONGMO Pierre à l’Etat du Cameroun (Ministère des Enseignements Secondaires (MINESEC), à la Chambre Administrative de le Cour Suprême ;

----Vu la loi n°2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée et complétée par celle n°2017/014 du 12 Juillet 2017 ;

----Vu la loi 2006/022 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs ;

----Vu les Décrets n°s 2006/465 du 20 Décembre 2006, 2010/218 du 08 Juillet 2010, 2012/193 du 18 Avril 2012, 2014/574 du 18 Décembre 2014 et 2017/277 du 07 Juin 2017 portant nomination de Magistrats au siège de la Cour Suprême ;

----Vu les ordonnances n°s 015 et 017 du 19 Mars 2015, n°528 du 09 Août 2017 de Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême portant répartition des Conseillers dans les Chambres Judiciaire, Administrative et des Comptes de la Cour Suprême ;

----Vu l’ordonnance n°527 du 09 Août 2017 de Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême portant désignation des présidents de Section à la Cour Suprême ;

----Vu l’ordonnance n°0060 du 12 Septembre 2017 de Monsieur le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême portant répartition des Conseillers dans les Sections de la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

----Vu les conclusions en date du 10 Juillet 2019 de Monsieur Luc NDJODO, Procureur Général près la Cour Suprême ;

----Après avoir entendu en la lecture du rapport Monsieur Emmanuel SANDEU, Président de la Section ;

----Ouï DONGMO Pierre, représenté par son Conseil Maître NJANPOU Joseph ;

----Ouï l’Etat du Cameroun (MINESUP), représenté par Messieurs BEKOMBO Henri et PINJOU Jean ;

----Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

----Attendu que par du jugement n°07 rendu le 09 Décembre 2014, le Tribunal Administratif de Ngaoundéré a ordonné le transfert à la Chambre Administrative de la Cour Suprême du dossier de procédure de l’affaire opposant le sieur DONGMO Pierre à l’Etat du Cameroun (Ministère des Enseignements Secondaires (MINESEC) pour être statué sur l’exception préjudicielle soulevée par l’Etat du Cameroun en matière de voie de fait administrative et d’emprise ;

----Attendu que ledit jugement est ainsi conçu en son dispositif :

« Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière administrative, en premier et dernier ressort et à l’unanimité des membres ;

DECIDE :

Article 1er : déclare le recours recevable en la forme ;

Article 2 : Constate l’existence d’une question préjudicielle ;

Article 3 : Sursoit à statuer ; ordonne le transfert du dossier à la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour statuer sur la question préjudicielle sus évoquée ;

Article 4 : Reserve les dépens » ;

----Attendu que le 22 Mai 2018, Maître NJANPOU Joseph, Avocat à Ngaoundéré, pour le compte du sieur DONGMO Pierre, a déposé des observations sur ce jugement en développant l’argumentaire ci-après :

« Attendu que Monsieur DONGMO Pierre, Chef de la Communauté MENOUA de Ngaoundéré, Conseiller Municipal RDPC à la Commune de Ngaoundéré 1er, Président de la sous-section RDPC Ngaoundéré 4C2, Chevalier de l'Ordre de la valeur, est propriétaire d'un immeuble rural bâti sis à Ngaoundéré au lieu dit Mission Norvégienne d'une superficie d'un (1) hectare soixante onze (71) ares dix sept (17) centiares (1ha 71a17ca) qu'il tient d'une vente à lui consentie par sieur MAOUNDE Samuel, Aide chirurgien demeurant à Ngaoundéré, de son Titre Foncier n°3848/VINA du 29 décembre 1995 ;

« Qu'en toute violation des dispositions de la loi n° 85-09 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation dont les règles de base sur la mise en œuvre ont été rappelées par Instruction n°000005-Y.2.5-MINDAF- D220 du 29 décembre 2005 de Monsieur le Ministre des Domaines et des Affaires Foncières ampliée à toutes les unités administratives et collectivités territoriales décentralisées, ainsi qu'aux services publics demandeurs, un CES a été érigé sur ce terrain ;

« Qu'un bâtiment qui se trouvait sur les lieux a été détruit ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 24 janvier 2011 par exploit de Maître NDJOMO NJELANKONG Henri, Huissier de Justice à Ngaoundéré ;

Qu'une plainte adressée à Monsieur le Préfet du Département de la Vina à ce sujet a donné lieu à un Arrêté Préfectoral n°05/AP/H.52/DD-DAF portant création et constitution d'une commission consultative AD-HOC chargée du constat et de l'évaluation des biens mis en cause dans le Titre Foncier n°3848/VINA occupé par le CES de Burkina ;

« Qu'à ce jour, le second bâtiment qui y restait et dont l'existence a été constatée dans le procès verbal de règlement d'un litige foncier du quartier BURKJNA du 23 mars 2011 a été également détruit ;

« Qu'il n'est pas vain de relever que ce terrain était destiné à la réalisation d'un projet de développement, ainsi qu'il ressort de l'expédition de l'Acte n° 2015 du 13 février 2007 du Répertoire de Maître TCHIAKOUA Michel, Notaire à Ngaoundéré et de l'acte de dépôt n° 87/GTPI/NG du 27 février 2007 du Greffe du Tribunal de Première Instance dudit.

« Qu'à la suite du rejet implicite de Monsieur le Ministre des Enseignements Secondaires du recours gracieux à lui adressé par le requérant et reçu dans ses services le 13 décembre 2011 sous le n°23860, le requérant a saisi la Chambre Administrative de la Cour Suprême, qui par la suite a transféré le dossier au Tribunal Administratif de Ngaoundéré ;

« Que cette juridiction a rendu le jugement n° 07 du 09 décembre 2014, lequel a déclaré le recours recevable en la forme, a constaté l'existence d'une question préjudicielle, a sursis à statuer, a ordonné le transfert du dossier à la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour statuer sur la question préjudicielle sus évoquée et a réservé les dépens ;

« Attendu cependant que cette position de la juridiction saisie tire son fondement de la mauvaise lecture de l'article 2 al 3 (a) de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs qui lui donne compétence en cas de violation d'une disposition légale ou règlementaire ;

« Qu'en l'espèce, la loi n° 85-09 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation en son article 2 (3) (b) donne compétence au Tribunal Administratif pour « Les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif» ;

« Que l'expropriation désigne toute opération tendant à priver contre son gré de sa propriété un propriétaire foncier, plus généralement, à dépouiller le titulaire d'un droit immobilier de son droit ;

« Que l'expropriation indirecte est une construction jurisprudentielle destinée à résoudre la situation créée par la prise de possession irrégulière d'un immeuble privé au cours d'une opération administrative en elle-même régulière lorsque cette prise de possession, nécessaire au service public, apparait comme devant être maintenue (cf. Vocabulaire Juridique: Gérard Cornu) ;

« Que c'et donc à tort que le premier juge parle d'une question préjudicielle en l'espèce, la juridiction administrative étant parfaitement compétente ;

« Bien vouloir dire au vu des textes visés que la juridiction administrative est compétente en l'espèce et retourner le dossier au Tribunal Administratif de Ngaoundéré pour statuer sur le fond » ;

« Sous toutes réserves

Et ce sera justice » 

----Attendu que le 15 Février 2019 l’Etat du Cameroun représenté par le Sieur BALDAGAI KOTCHIMERE suivant décision n°000230/Y.7/MINDCAF/SG/DG/S200du 18 Février 2019 du Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, a déposé des observations écrites soutenant dans la même veine que le recourant, ce qui suit :

« PLAISE A LA COUR

 « Vu la requête aux fins de réponse à une question préjudicielle de maitre NJANPOU Joseph, Avocat agissant au nom et pour le compte de sieur DONGMO Pierre, datée du 04 mai 2018 et déposée le 22 mai 2018 sous le n° 803 ;

« Attendu que dans sa requête, le recourant sollicite de la Cour de déclarer le Tribunal Administratif compétent pour connaitre des actions en indemnisation dans le cadre de l'occupation irrégulière d'une propriété privée par l'Administration ;

« Qu'en effet expose-t-il, il est propriétaire d'une parcelle de terrain à Ngaoundéré au lieu-dit Mission Norvégienne, d'une contenance superficielle de 1 ha 71 a 17 ca, objet du titre foncier n°3848/Vina délivré le 29 décembre 1995 ;

« Qu'en violation de la réglementation en vigueur sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, le CES de Burkina a été érigé sur sa propriété, suivi de la destruction de ses bâtiments qui s'y trouvaient ;

« Qu'après constat et évaluation des biens détruits par une commission ad hoc, icelui a saisi le Ministre des Enseignements Secondaires d'un recours gracieux préalable en indemnisation à la suite duquel il a déposé un recours contentieux en réparation devant le juge administratif de l'Adamaoua ;

« Que par jugement 07/2014 du 09 décembre 2012, le Tribunal Administratif de céans a déclaré le recours recevable et ordonné le transfert du dossier à la Cour Suprême pour statuer sur une question préjudicielle qui concerne la compétence du juge administratif à connaitre de telles actions en indemnisation ;

« Attendu qu'une qualification des faits suivie d'une discussion juridique pourraient permettre à la haute Cour de rendre son avis sur cette question.

« 1.       Sur la qualification des faits

« Attendu que les faits rapportés par le recourant montrent qu'il s'agit de l'implantation du Collège d'Enseignement Secondaire (CES) de Burkina et de la destruction des timents sur une parcelle de terrain objet du titre foncier n°3848/Vina appartenant au recourant sans au préalable recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ;

« Attendu qu'au terme des articles 2 et 3 al. 1 et 3 du Décret n° 2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l'administration scolaire, le Collège d'Enseignement Secondaire est considéré comme une structure publique rattachée à l'Etat:

"Article 2.- Au sens du présent décret, sont considérés comme établissements scolaires publics les établissements créés par l'État, les collectivités territoriales décentralisées ou les organismes publics.

« Article 3.- (1) Les établissements scolaires publics comprennent :

  • les établissements scolaires maternels et primaires ;
  • les établissements d'enseignement secondaire ;
  • les écoles post-primaires ;
  • les Écoles Normales d'Instituteurs de l'Enseignement Général et Technique ;
  • les collèges municipaux.

(3) les établissements d'enseignement secondaire comprennent:

  • les collèges et les lycées d'enseignement général ;
  • les collèges et les lycées d'enseignement Technique et professionnel."

« Attendu que les parcelles de terrains supportant des édifices publics sont consirées de facto comme domaine privé de l'Etat au terme de l'article 10 alinéa 2 de l'ordonnance 74/2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial: "font partie du domaine privé de l'Etat :

« 2) Les terrains qui supportent les édifices, construction, ouvrages et aménagements réalisés et entretenus par l'Etat"

« Attendu qu'aux termes de l'article 1er du Décret n°76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier modifié et complété par le décret n°2005/481 du 16 décembre 2005 : « le titre foncier est la certification officielle de la propriété immobilière." ;

« Attendu qu'en vertu de l'article 545 du code civil: " Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité" ;

« Attendu qu'en l'espèce le CES de Burkina ne semble pas avoir eu recours à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique pour occuper le terrain de sieur DONGMO Pierre et détruire ses bâtisses ;

« Attendu qu'en vertu du principe "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" consacré par la jurisprudence administrative, le propriétaire du titre foncier n° 3848/Vina ne peut rentrer en jouissance de sa proprté privée et donc en a été dépossédé ;

Attendu que selon l'article 1 er de la loi n°85/09 du 4 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisations: pour la réalisation des objectifs d'intérêt général, l'Etat peut recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique" ;

« Attendu dès lors que l'implantation du CES de Burkina sur l'immeuble objet du titre foncier n°3848/Vina constitue en droit une emprise ;

« Attendu qu'en droit l'emprise s'entend d'une atteinte grave au droit de propriété, à la propriété privée immobilière, ou encore une atteinte à un droit réel immobilier qui est tellement grave qu'elle entraine une dépossession, ou la prise de possession irrégulière par l'administration d'une propriéprivée ;

« Attendu que l'emprise recouvre les hypothèses d'expropriation indirecte comme c'est le cas en l'espèce.

« Il.      Discussion Juridique

« Attendu qu'en installant le CES de Burkina sur une propriété privée sans recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, il s'agit d'une emprise ;

« Attendu qu'au terme de l'article de 2 al. 2 et 3 a, b de la loi 2006/022 du 29 cembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs :

"(2) Les Tribunaux Administratifs connaissent en premier ressort, du contentieux des élections régionales et municipales et en dernier ressort, de l'ensemble du contentieux administratif concernant l'Etat, les collectivités publiques territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs, sous réserve des dispositions de l'article 14 (2) de la présente loi.

« (3) Le contentieux administratif comprend:

  1. a) les recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de légalité. Est constitutif d'excès de pouvoir au sens du présent article :

- le vice de forme ;

- l'incompétence ;

- la violation d'une disposition légale ou réglementaire ;

- le détournement de pouvoir.

  1. b) les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif";

« Attendu que l'article 14 al. 1 de la loi susvisée dispose que: "Les tribunaux administratifs sont, sauf .dispositions contraires de la loi, juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort." ;

« Que fort de toutes ces dispositions légales et réglementaires, il se déduit que le recours en indemnisation d'un préjudice caupar l'Administration y compris dans l'hypothèse d'une emprise ou d'un voie de fait est de la compétence de la juridiction administrative et par conséquent qu'il y'a lieu de renvoyer le présent dossier au Tribunal Administratif de l'Adamaoua pour qu'il y soit vidé.

« Par ces Motifs

« Et tous autres à déduire, ajouter ou suppléer même d'office :

  • Recevoir l'Etat du Cameroun (MINDCAF) en ses observations écrites et l'y dire fondé ;
  • Déclarer le Tribunal Administratif compétent pour connaitre des recours en indemnisation des préjudices résultant d'une emprise ou d'une voie de fait ;
  • Renvoyer l'affaire DONGMO Pierre CI Etat du Cameroun (MINDCAF-MINESEC) devant le Tribunal Administratif de l'Adamaoua pour y être vidée ;
  • Liquider les dépens.»

Sur la régularité de la saisine

de la Chambre Administrative

----Attendu qu’aux termes de l’article 38 al c de la loi N°2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l’Organisation et le Fonctionnement de la Cour Suprême :

« La Chambre Administrative est compétente pour connaître :

c/ des exceptions préjudicielles soulevées en matière de voie de fait et d’emprise devant les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif » ;

----Attendu qu’en l’espèce, il ressort du dossier de la procédure que le 09 Décembre 2014 intervenait dans la cause opposant le Sieur DONGMO Pierre à l’Etat du Cameroun (MINDCAF), devant le Tribunal Administratif de Ngaoundéré, le jugement n°07 ordonnant le transfert dudit dossier à la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour être statué sur l’exception préjudicielle soulevée par l’Etat en matière de voie de fait administrative et d’emprise ;

----Qu’en vertu du texte de loi suscité la saisine de la Chambre Administrative de la Cour Suprême par ledit jugement est régulière ;

Sur le mérite de l’Exception préjudicielle soulevée.

----Attendu qu’aux termes de l’article 2 (a) de l’ordonnance n°74/1 du 06 Juillet 1974 fixant le régime foncier :

« Font l’objet de droit de propriété privée, les terres énumérées ci-après :

a)Les terres immatriculées. »

----Attendu par ailleurs que l’article 1er du décret n°76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret n°2005/481 du 16 Décembre 2005 dispose :

« Le titre foncier est la certification officielle de la propriété

immobilière .

Sous réserve des dispositions des articles 2 (al 3) et 24 du présent décret, le titre foncier est inattaquable, intangible, définitif. Il en est de même des actes constatant les autres droits réels attachés à la propriété.

L’enregistrement d’un droit dans un registre spécial appelé livre foncier emporte immatriculation de ce droit et le rend opposable aux tiers » ;

----Attendu qu’en outre les articles 1er al 1, 3 et 4 de la loi n°85/09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation  pour cause d’utilité publique et aux modalités disposent :

 Article 1er : « (1) Pour la réalisation des objectifs d’intérêt général, l’état peut recourir à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique »

Article 3 : « (1) L’expropriation ouvre droit à l’indemnisation pécuniaire ou en nature selon les conditions définies par la présente loi.

« (2) L’indemnité due aux personnes évincées est fixée par le décret d’expropriation » ;

 Article 4 : «(1) Le Décret d’expropriation entraine transfert de propriété et permet de muter les titres existants ou nom de l’Etat ou de toute autre personne de droit public bénéficiaire de cette mesure ;

« (2) En principe, l’expropriation ouvre droit à une indemnisation préalable.

« (3) Toutefois, dans certains cas, le bénéficiaire de l’expropriation peut, avant paiement effectif de l’indemnité, occuper les lieux dès la publication du décret d’expropriation.

« (4) Un préavis de six mois, à compter de la date de publication du décret d’expropriation, est donné aux victimes pour libérer les lieux ;

Ce délai est de trois mois en cas d’urgence » ;

----Attendu qu’enfin les articles 2 et 15 du décret n°87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n°85/9 du 04 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation disposent :

 Article 2 : «Tout département ministériel désireux d’entreprendre une opération d’utilité publique saisit le Ministre chargé des Domaines d’un dossier préliminaire en deux exemplaires comprenant :

-Une demande assortie d’une note explicative indiquant l’objet de l’opération ;

Une fiche dégageant les caractéristiques principale des équipements à réaliser et précisant notamment :

La superficie approximative du terrain sollicité dûment justifiée ;

L’appréciation sommaire du coût du projet y compris les frais d’indemnisation ;

La date approximative de démarrage des travaux ;

La disponibilité des crédits d’indemnisation avec l’indication de l’imputation budgétaire ou tous autres moyens d’indemnisation » ;

Article 15 al 1 : «Avant le recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique en faveur des collectivités publiques locales, des établissements publics, des concessionnaires de servies publics ou des Sociétés d’Etat en vue de la réalisation des travaux d’intérêt général, ces derniers doivent procéder aux négociations préalables avec des propriétaires ou ayant-droits des concernés » ;

----Attendu qu’il résulte de la lecture combinée de toutes ces dispositions légales et réglementaires que le droit de propriété a un caractère absolu et que la propriété privée ne peut être affectée qu’en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique prononcée par décret ;

----Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le site dont s’agit est la propriété du Sieur DONGMO Pierre, objet du titre foncier n°3848/Vina, délivré le 29 Décembre 1995 pour l’avoir acquise du sieur MAOUNDE Samuel par mutation totale dudit titre foncier ;

----Attendu qu’il est tout aussi indéniable que le Ministère des Enseignements Secondaires s’est introduit dans ladite propriété et y a érigé un établissement scolaire en détruisant les maisons existantes, des cultures et autres mises en valeur appartenant au propriétaire susnommé, sans recourir à la procédure légale d’expropriation pour cause d’utilité publique telle qu’indiquée par les textes de loi suscités ;

----Attendu que cette dépossession non précédée d’un décret d’expropriation ou, à tout le moins, d’une procédure tendant à cette fin, est constitutive d’une emprise irrégulière, engageant la responsabilité du Ministère des Enseignements Secondaires qui a ainsi porté atteinte à la propriété du sieur DONGMO Pierre par une irrégularité manifeste ;

----Attendu, en revanche et contrairement aux observations de l’Etat reproduites ci-dessus, que l’appréciation de la demande d’indemnisation de 317.000.000 francs CFA au titre de réparation du préjudice subi, incombe aux juridictions de droit commun en vertu de l’article 3 de la loi n°2006/022 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs qui dispose :

 (1) «Les Tribunaux de droit commun connaissent, conformément au droit privé, de toute autre action ou litige, même s’il met en cause les personnes morales énumérées à l’article 2, la responsabilité desdites personnes morales étant de l’égard des tiers, substituée de plein droit à celle de leurs agents auteurs des dommages causés dans l’exercice de leurs fonctions.

(2) Ils connaissaient en outre, des emprises et des voies de fait administratives et ordonnant toutes mesure pour qu’il y soit mis fin ;

----Toutefois, il est statué par la  Chambre Administrative de la Cour Suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d’emprise » ;

----Attendu, compte tenu de tout ce qui précède, qu’il convient de constater l’emprise commise par le MINESEC et de transmettre, en retour, le dossier de la procédure au Tribunal Administratif de Ngaoundéré pour la suite de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

----Statuant publiquement, en matière administrative, en matière d’emprise et de voie de fait administrative, à l’unanimité des voix des membres de la Section;

DECIDE :

----Article 1er : La saisine de la Chambre Administrative est régulière ;

----Article 2 : Au fond, dit que l’occupation par le Ministère des Enseignements Secondaires du terrain objet du titre foncier n°3848/VINA, appartenant à DONGMO Pierre, est constitutive d’une emprise irrégulière ;

----Article 3 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor Public ;

----Article 4 : Transmet en retour le dossier de la procédure au Tribunal Administratif de Ngaoundéré pour suite de la procédure ;

----Ainsi jugé et prononcé par la Chambre Administrative de la Cour Suprême statuant en matière d’emprise et de voie de fait administrative, en Section du Contentieux de l’Annulation et des Questions Diverses, en son audience publique ordinaire du mercredi 11 Décembre 2019, en la salle des audiences de la Cour où siégeaient ;

----MM. Emmanuel SANDEU, Président de la Section……….Président ;

----Charles ONDOUA OBOUNOU, Conseiller à la Chambre Administrative ;

----Louis Lambert BOLKO, Conseiller à la Chambre Administrative ;                                    …………………………….………………………………..……………………………..….Membres ;

----En présence de Monsieur Solomon MBAH NJEI, Avocat Général à la Cour Suprême, occupant le banc du Ministère Public ;

----Avec l’assistance de Maître Augustine Olive NTSO, Greffier ;

----En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Membres et le Greffier ;

----En approuvant ______ mot (s) ______ ligne (s) _____ rayé (s) nul (s) ainsi que________ renvoi (s) en marge. /-

 

           LE PRESIDENT                  LES MEMBRES                      LE GREFFIER

 Emmanuel SANDEU         Charles ONDOUA OBOUNOU       Augustine Olive NTSO

                                                                          

                                                     Louis Lambert BOLKO               

                                                                

 

                                                             


 

                                                                        

 

         

                             

 

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